De Fabel van de illegaal 35, juillet 1999

Par: Eric Krebbers

Traduit de l'anglais en français par Yves Coleman (Ni patrie ni frontières)


La Nouvelle Droite pousse la gauche à signer une déclaration contre la guerre du Kosovo

« Les Européens veulent la paix », affirme une pétition écrite par le Collectif français Non à la guerre (http://www.geocities.com/CapitolHill/2859/nonalaguerre.html). Bien que les fondateurs de ce Collectif viennent de l’extrême droite, ils ont réussi à attirer beaucoup de signatures d’intellectuels de gauche(1). La Nouvelle Droite espère gagner de la crédibilité en étant impliquée dans des projets communs avec des intellectuels progressistes. Marcel Rüter, dirigeant de l’organisation néerlandaise d’extrême droite Voorpost, est aussi intéressé par ce texte.

Le 20 avril 1999, Rüter a envoyé deux articles sur la pétition contre la guerre du Kosovo aux membres de la liste de diffusion Internet du magazine d’extrême gauche néerlandais Konfrontatie. Grâce à une faille technique, Rüter a réussi à mettre la main sur la liste des abonnés de ce magazine électronique.

La nouvelle écologie

Le premier texte était un communiqué de presse envoyé par le collectif français « Non à la guerre », dans lequel il se vante d’avoir déjà recueilli les signatures de 400 personnalités et de 40 000 autres personnes. Plus de cinquante comités locaux auraient été formés et le Collectif annonce qu’il va organiser une première manifestation. Selon le Comité, seuls les Américains voulaient vraiment la guerre, ce qui aurait rendus furieux les Européens si pacifiques. Nous sommes la seule force contre la guerre, écrit le Collectif, maintenant que tous les partis de droite et de gauche sont favorables à l’intervention au Kosovo.

La pétition et le communiqué de presse ont été écrits par Laurent Ozon, directeur de Nouvelle Ecologie, groupe écologiste lié au club de la Nouvelle Droite, le GRECE, lui-même étroitement lié au Front national. Par le biais du mouvement écologiste, le GRECE essaie de populariser de nouveau l’idéologie du Blut und Boden (le sang et le sol) [chère aux nationalistes pangermanistes, puis aux nazis, NPNF]. Ozon travaille étroitement avec le millionnaire anglais Goldsmith dont les idées écologistes ultraconservatrices exercent une énorme influence dans les cercles de la Nouvelle Droite. Dans certains cas, Ozon a agi comme porte-parole de Goldsmith en France.

Notre plus grand ennemi, c’est l’Amérique

Le second texte envoyé par Ozon était un article de Luc Pauwels. Ce dernier est le cofondateur de l’organisation d’extrême droite Vlaams Blok [dissoute, elle a été aussitôt remplacée en 2004 par le tout aussi réactionnaire Vlaams Belang qui a obtenu 20% des voix aux élections parlementaires de 2007, NPNF]. Il dirige maintenant la Fondation Delta, organisation sœur du GRECE en Belgique. Tout comme ses collègues français, Pauwels pense que « le colonialisme militaire américain et son colonialisme culturel et économique » représentent l’ennemi principal. L’OTAN n’est rien de plus qu’un « instrument américain » pour « contrôler l’Europe », affirme Pauwels. Mais il n’a pas signé la pétition du Collectif « Non à la guerre ». Il soutient au contraire la guerre de l’OTAN contre ce « communiste de Milosevic ».

La pétition ne dit pas un mot de l’impérialisme européen. Le nationalisme qui prospère tellement depuis les guerres inter-yougoslaves n’est pas considéré comme un problème par le Collectif. Au contraire, ses arguments sont uniquement d’ordre nationaliste. La pétition ne fait aucune référence à l’antiracisme, au féminisme, à la lutte des travailleurs, comme ce serait le cas si le texte était inspiré par une vision authentiquement de gauche. Toute la Nouvelle Droite européenne a signé la pétition d’Ozon mais aussi beaucoup d’intellectuels de gauche connus comme le dramaturge Harold Pinter ou le cinéaste Ken Loach. Sur la liste des signataires figurent aussi les noms de militants communistes, anarchistes et écologistes Certains ne connaissaient pas l’origine de cette pétition et ont immédiatement retiré leur signature dès qu’ils l’ont découverte. Mais d’autres s’en moquent. Pire, certains semblent approuver l’analyse d’extrême droite présentée dans la pétition.

Refus de coopérer

Déjà en 1993, un groupe d’intellectuels européens, dont Umberto Eco, s’était élevé contre les entreprises de débauchage suscitées par la Nouvelle Droite. « Depuis quelque temps, des idéologues de l’extrême droite ont entrepris des manœuvres visant à nous faire croire qu’ils auraient changé. À cette fin, ils ont entamé une grande campagne de séduction qui cible des personnalités démocratiques et des intellectuels, dont certains sont connus comme de gauche. Mal informés à propos de ces tentatives ou en ignorant complètement l’existence, ces derniers ont accepté de signer des articles dans des revues dirigées par ces idéologues. Une fois sur le papier, ces signatures donnent apparemment de la crédibilité à l’idée que l’extrême droite aurait effectivement changé. »

Pour éviter d’être utilisés de cette façon, les auteurs de cette mise en garde avaient annoncé que, dorénavant, ils « refuseraient toute collaboration à des revues, des ouvrages collectifs, des programmes de radio ou de télévision, ou des colloques dirigés ou organisés par des gens ayant des liens prouvés avec l’extrême droite ».

Récemment, le Collectif « Non à la guerre » a publié un journal diffusé dans tous les Pays-Bas, à près de 80000 exemplaires. Il contient des articles écrits par Ozon et ses camarades d’extrême droite, mais aussi des intellectuels de gauche dont le plus fameux est Noam Chomsky. Selon les éditeurs de cette publication, Chomsky lui-même soutiendrait cette publication. Heureusement, une contre-pétition de la gauche circule actuellement, écrite par des intellectuels qui veulent stopper la Nouvelle Droite.

Notes

1. Max Gallo, Gisèle Halimi, Bruno Etienne, Henri Pena-Ruiz et Yves Vargas (soit les représentants de la gauche tiersmondiste, souverainiste, islamistophile, laïcarde, social-démocrate ou post-stalinienne – quel cocktail !) voisinent avec la « fine fleur » de la droite et l’extrême droite gauloises : J.C. Barreau, Alain de Benoist, Paul-Marie Couteaux, Jean Dutourd, Jean Raspail, Dominique Jamet, William Goldnagel, etc., sans compter quelques antisionistes-antisémites notoires… (Ni patrie ni frontières)

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